Espagne : le ministère de l’Intérieur condamné pour ne pas avoir protégé la victime d’un féminicide
Le ministère de l'Intérieur devra dédommager la famille de la victime à hauteur de 180 000 euros. La victime avait demandé une protection policière, en vain.
C’est mercredi que le ministère de l’Intérieur espagnol a été condamné par le tribunal de l’Audience nationale à verser 180 000 euros à la famille d’une femme assassinée par son mari. La justice a estimé que la police espagnole avait fourni une protection “inadéquate” à cette femme, laquelle avait demandé à être protégée de son conjoint en septembre 2016 à Sanlucar la Mayor, non loin de Séville.
Une demande rejetée
Mais pour la Garde civile, l’homme n’ayant aucun antécédent, le danger n’était pas suffisant. Et quelques semaines plus tard, sa femme était poignardée dans une rue, sous les yeux de leurs deux enfants. Purgeant 28 ans de détention, l’homme a mis fin à ses jours au mois de mai dernier. Ainsi, le ministère de l’Intérieur est sommé de verser 20.000 euros à chacun des parents de la victime et 70.000 euros à chacun de ses deux enfants pour “préjudice moral”. Dans sa décision, le tribunal estime que “La prise de conscience sociale et institutionnelle de l’importance du problème de la violence de genre exige une plus grande sensibilisation que celle dont a fait preuve la brigade de la Garde civile dans cette affaire”.
Le traumatisme Ana Orantes
En 1997, la mort d’Ana Orantes avait provoqué une onde de choc en Espagne. Âgée de 60 ans, elle avait été battue, jetée depuis un balcon et brûlée vive par son ex-mari, malgré avoir signalé à plusieurs reprises les violences qu’elle subissait, que ce soit aux autorités ou à la télévision. Le tribunal ayant réglé leur divorce l’avait contrainte à partager sa maison avec son ex-mari. A la suite de ce drame, le pays avait été en 2004 le premier d’Europe à adopter à l’unanimité une loi faisant du sexe de la victime une circonstance aggravante en cas d’agression. Une aide juridictionnelle gratuite est prévue pour les victimes de violences machistes, et le texte instaure des tribunaux spécialisés en la matière, permettant des poursuites même si la victime n’a pas déposé plainte.